mardi 22 avril 2008

Moeurs ecclésiastiques (bretonnes), by Perspéhone

En visite à la cathédrale de Chartres l'autre jour, je me perds.
Pour comble de malchance, je me perds dans une autre église, ce qui nous fait une perte redondante, d'une église à une église, n'est-ce-pas.

Quoi qu'il en soit, je pénètre dans l'auguste bâtisse d'apparence médiévale et, gaiement accompagnée, j'entreprends d'en faire le tour, sans prêter plus qu'une attention distante au bonheur des parents qui baptisent leur poupon.

En trois coups d'œil j'ai cerné les lieux:
église louche et hétérodoxe;
la gosse s'appelle Tiphaine;
le prêtre est virulent;
et surtout, la tombe de l'évêque.


Ne temporisons plus: je vais vous parler de la tombe de l'évêque (en quelques lignes seulement).

Le monument affiche une structure dédoublée
1/la dalle
2/l'épitaphe
– pourquoi tant de dépense de place me demanderez-vous, pourquoi disjoindre ce qui consubstantiellement est conjoint, eh bien, je n'en sais rien, je suppose qu'il y avait suffisamment de place pour cela.

Là n'est d'ailleurs pas mon propos.

L'évêque, donc, s'est fait graver à petits coups précautionneux une épitaphe latine, lettres dorées s'il vous plaît, et redorées tous les ans, je le vois à leur lustre. Je ne perce par contre pas tout à fait le sens cryptique des vers, parce que les souvenirs des versions latines forment un gros bouchon mental quand je vois une inscription, de quelqu'espèce qu'elle soit, rédigée dans cette langue.

Détournant vers Tiphaine l'attention de ma compagnonne, elle éminemment latiniste, je déchiffre le petit écriteau papier qui figure à droite de l'épitaphe et porte le même texte en, devinez quoi, en français.

« Ici gît »/ « Hic jacet »
Ciel cela correspond, ce marbrier avait tous les talents.

La suite « Ici gît Raoul-Hervé-Marie Hercouët, évêque » je me rapporte à l'épitaphe « Hic jacet blablabla » nous y sommes.
Dans un but honnête de vérification érudite, je colle mon nez à la dalle qui porte décidément les mêmes lettres « HIC JACET RADULPHUS ».

Hein?

D'où sort cette histoire de Radulphus?
« RADULPHUS EPISCOPUS » En toute logique c'est le même, où bien il y a confusion des tombeaux. Mais quand donc cet homme délicieux a-t-il été rappelé? (en latin « obiit »)

Précisons ma pensée:

Radulphus est un nom franc ou germanique, en tous les cas pas breton, je vous l'accorde, et surtout très difficile à porter de nos jours. Si cet homme a fréquenté l'école publique, je vous garantis qu'il n'a dû pas beaucoup rire. Adolescence ruinée etc. Radulphus, non mais, il y a des parents criminels.

Epitaphe, donc. Raoul-Hervé-Marie Hercouët, mort en 1954.

1954.

Pas de Francs à l'horizon.

Méditons un instant cette mystérieuse corruption de son nom.













La suite maintenant. « Hercouët, évêque, comte de Keringant »
D'où sort-ce?
D'où cet évêque du XXème siècle se veut-il comte?
Non content de se radulphiser hors de propos, il impose à nous pauvres gueux toute la morgue de sa dignité féodale?


Tiphaine pousse un large hurlement scandalisé et me voici interrompue dans mes rampades sur la dalle.
Bon, suggérè-je, allons méditer à l'extérieur ces stupéfiantes informations.

Je vous les transmets maintenant telles quelles et avec toute l'objectivité journalistique que l'on me connaît. Il me semble tout de même que cet évêque s'y croyait un tout petit peu.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

en même temps avec un prénom pareil, il fallait bien que le pauvre garçon développât son imaginaire afin de rendre sa vie supportable... il s'est donc inventé évêque et comte, ce qui n'est pas tellement surprenant pour un radulphus. alors que s'il avait été plombier, vous imaginez...

griffollet chat virtuel a dit…

De mortuis nihil nisi bonhomme.

Vanitas vanitatum et ces sortes de choses.

zizule a dit…

insolent personnage !

François a dit…

pour info il s'agit de monseigneur Harscouët et non pas Hercouët (qui vit toujours) et cet évêque descendant d'une ancienne famille comtale avait comme tout aristocrate le droit de porter le titre attaché à sa famille (d'Harscouët comte de Kéringant)