Oui, je me suis dit que pour reprendre ce blog un peu abandonné depuis quelques semaines, car ce n'est certes pas facile à gérer avec 2h30 de RER par jour et des WE à essayer de décompresser les ballons, je me suis donc dit, disais-je, qu'il était temps de reprendre mes chroniques ayant trait à un de mes sujets préféré, que j'ai nommé : les danseurs.
Si vous allez fouiller, et je vous invite, chers lecteurs, dans la rubrique Jazz, swing et dragouille...mode d'emploi, vous pourrez trouver, inestimable abonné, mes premières classifications, ayant plus trait aux pantalons, casquettes et autres paires d'espadrilles.
Cependant, depuis quelques semaines, je rumine, tout en dansant et virevoltant dans les bras incertains de quelques don Juan, une nouvelle table des matière. Et j'aimerai ajouter que cette table de matière se construit pierre après pierre, inorique et cynique, lorsque je détaille mes danseurs plus ou moins heureux.
Voici donc.
Le danseur Sac à Patates, le danseur Camion Poids Lourds, le danseur Fleur Bleue, le danseur Ca*nard En*chaîné, et enfin, le plus recherché pour son poil luisant...euh, son swing, pardon, le danseur Intouchable, autrement appelé, comme le dirait mon papa, le danseur Bogarté.
Commençons.
Le sieur Sac à Patates est un proche cousin du danseur Camion Poids Lourds, cependant il en diffère en ceci qu'il conçoit malgré tout que sa danseuse possède, et ça lui paraît tout de même incroyable, faut pas pousser, qu'elle possède disais-je un système de direction assisté et indépendant de toute ingérence masculine. Toutefois, loin d'en tirer parti, il ne se résoud pas à cette liberté, injustifiable par nature, et conduit donc sa danseuse, que dis-je, la balance d'un côté à l'autre de la piste et de lui-même, en se réjouissant de l'air légèrement ahuri de la belle, confondant son air tirant sur le verdâtre avec les premiers frimas de l'amour.
Le danseur Camion Poids Lourds, lui, est légèrement plus, si cela se peut, rétrograde que son cousin précédemment cité. En effet, celui-ci n'a pas été élevé dans l'idée que toutes ces nanas qu'il croise dans la rue 150 fois par jour puissent se diriger par elles-mêmes. Plein de sollicitude et d'attention, il prend donc sur lui de remédier à cette tare génétique et se permet de mener sa danseuse comme il empoignerait son volant sur un circuit de F1. Grisant, pense-t-il, submergé par la testostérone, éminemment insupportable pour Elle, insensible décidément au caractère parait-il sexy du truck lancé à 160 km/h sur une piste de terre tortueuse.
Ces 2 cousins font parti de la catégorie de danseur qu'il ne faut surtout pas quitter du regard ou risque de se retrouver propulsée, au mieux dans les pieds des voisins, au pire vers le plafond (et c'est encore plus engoissant lorsqu'on danse en plein air).
Le danseur Fleur Bleue est le moins dangereux de tous mais aussi le plus ennuyeux, pathétique et souvent le plus répugnant. Au toucher, la Belle ne sentira sous ses doigts qu'un squelette qui est dans le pire des cas chevelu-poilu style Yack tibétain. D'autre part, le sieur Fleur Bleue n'enlace que très légèrement sa danseuse, ce qui peut paraître un soulagement pour la Belle déjà éprouvée par les 2 cousins de tout à l'heure, mais bien léger et au final ultra-chiant et insipide. Le danseur Fleur Bleue vous laissera très souvent vous échapper à la fin de la danse avec un timide et pitoyable "Alors à tout à l'heure, hein ?"
"Grumpf", réponds alors la Belle, assorti d'un "Oui, certainement mais je vais devoir y aller / mon ami m'attend / j'ai la diarhée / ..."
Le danseur Can*ard Encha*iné est, aussi surprenant qu'on pourrait le penser, un des plus sympathique. Son créneau c'est se fendre de quelques commentaires bien senti sur sa danseuse dans le genre de "Ouh! Vous êtes une fille...dynamique!" (véridique), ou de "Ouh! mais tu ne danserai pas, par hasard, du chamboula oriental ? parce que je sens bien à la manière dont tu bouges ton pied gauche que tu as du prendre des cours. Non ?"
"Non".
Ce danseur est généralement assez bon et éclectique.
Enfin, et vous l'attendiez tous, le danseur Intouchable. Celui-ci est assez rare pour qu'on n'en trouve qu'un ou deux par soirée, si ce n'est pas zéro. Durant les beaux jours, toutefois, leur densité au mètre carré semble s'améliorer. Seraient-ils frileux ?
Non, pas eux.
Leur danseuse.
Car voici bien le problème.
C'est donc ce qu'on appelle le danseur "bogarté", d'après l'expression bien connue de tous les fumeux : "Don't Bogart the join" (cad : "Ne monopolise pas le cylindre de décomplexion à la façon bien célèbre de Humphrey").
Pour se l'attitrer, une seule technique qui demande pas mal d'audace : veiller, guetter le moment où la probabilité de se voir couper le chemin par la cavalière ou une autre danseuse, tout aussi aux aguets, est la moindre, foncer, cheveux et sex-appeal au vent, et inviter...de force.
D'après les retours que j'ai eu, ça lui plaît beaucoup à l'Intouchable.
Généralement à ce moment-là, en t'emmenant sur la piste, Bogart te demande, ô luxe indicible, si tu danses du 6 ou du 8 temps. Et là, la classe c'est quand il te prend juste la main, et la manière dont la danseuse la serre, il devine tout seul (véridique).
Mais ce n'est pas tout. Après il faut se faire inviter, voir, espoir quasi-burlesque, réinviter.
Et ça, c'est pas gagné.
Imaginez la pression !! La cavalière attitrée bouille / boude dans son coin et menace d'exploser à tout instant, voir pire, de faire un scène ce soir sur le seuil de la chambre à coucher.
Avec un peu de chance, Bogart est courageux et intrépide, et il te réinvite et...ô joie insensée, te demande ton nom.
Après ça c'est quasiment gagné.
Il faudra réitérer cette scène les 15 à 220 prochaines soirées, jusqu'au beau jour où il n'attendra pas ta sueur et tes larmes et viendra t'inviter au sortir du vestiaire.
Conclusion : côté reconnaissance sociale Bogart c'est le top, mais je préfère le canard.