nos amis les grecs, toujours eux, ont posé les 1ers principes concernant nos rapport aux déchets et à la qualité de vie :
Aristote, dans Le Politique, préconise de distinguer les cours d'eau selon leur usage : source pour l'eau potable, rivière our les autres activités.
A cette époque les déchets sont évacués en-dehors de la cité, à un stade des fortifications.
Hippocrate, dans Le Traité de l'Air, de l'au, des Lieux, pose les bases de l'hygiénisme (repris seulement au XIXe s), de l'assainissement, de la salubrite, ... et...de l'architecture bioclimatique !! (reprise seulement aujourd'hui)
Ensuite, évidemment, les romains.
Vitruve, dans De architectura (-27 av JC) parle de promenades, de vert, de bie-être, d'hygiène, de ventilation des rues, ...
Rome, de -500 à -27, avait un service d'évacuation des déchets, des trottoirs, des égoûts, des systèmes d'adduction d'eau (captages, aqueducs de 10e voir de 100e de km, châteaux d'eau, fontaines publiques et privées, puits, citernes).
De quoi permettre aux 1 millions de romains de disposer chacun de 1000l d'eau par jour (3 fois plus qu'aujourd'hui).
A cette époque on commence à drainer les bas-quartiers; ces canaux à ciel ouverts sont les cloacae.
Les latrines publiques (jusqu'à 150 places) sont nettoyées par de l'eau vive : vous "faites" au-dessus d'un torrent.
Le plus remarquable sont les châteaux d'eau : ils comprennent trois sorties. La plus basse alimente les fontaines publiques, celle juste au-dessus les thermes, la plus haute les fotaines privées. Ainsi en cas de sécheresse, le peuple est toujours servi.
Rome a aussi sa "ceinture de Jardins", autour du Champ de Mars, qui a perduré malgré les explosions urbaines.
etc etc
Arrive le Moyen Âge.
De nos jours notre inconscient collectif garde en mémoire une ville du moyen âge insalubre, poisseuse, marécageuse, nauséabonde, empestée, etc.
Or cette ville là n'est que la seconde ville du Moyen Âge.
La première possède moult canaux (dont un dessert spécialement les établissements nobles et "publics" : "le merderon")pour les métiers de la rivière : les teinturiers, les tanniers, etc... (Il faut rappeler qu'au XVIIIe s, 50% des villes européennes ressemblent à la Venise actuelle)
Ces différentes activités produisent des "déchets" (notion encore anachronique mais qu'importe) : l'alun qui fixe la teinture, le tan qui imperméabilise, la chaux qui gonfle les peaux et dégraisse la laine.
Or il se trouve que l'alun accélère la sédimentation, le tan limite la fermentation et la chaux décante !!
Ce qui permet à nos ancêtres de ne pas baigner dans l'innomable et de contenir les épidémies.
Les activités étaient judicieusement placées sur le système hydraulique de manière à ce que le tan ne gêne pas l'alun, que les peaux des "massacreries" soient directement livrées aux tanneurs via le canal, etc...
CA, cela s'appelle de "l'écologie industrielle".
Arrive ensuite la 2e ville médiévale, avec la guerre de 100 ans.
On fortifie alors, on creuse des douves. Résultat : l'eau devient stagnante, les canaux ne sont plus d'eau vive, et n'évacuent plus les polluants organiques.
C'est à cette époque que le drap (laine qu'on dégraisse dans l'eau vive) devient de la toile (chanvre, lin qu'on fait tremper, "rouisser", dans l'eau calme); le parchemin le papier (chiffon fermenté).
La pourriture sur les murs, le salpêtre, est utilisé pour la poudre à canon.
Emerge alors ce qu'on appelle une "civilisation du fongique" : lé déchet, le pourri, le nauséabond devient symbole de protection, de richesse.
Dans La Pharmacie de la merde (auteur inconnu) on explique doctement que se badigeonner d'excréments protège des miasmes.
C'est alors que surviennent les grandes épidémies.
Et c'est ici que l'on se rend compte que géopolitique, système de pensée, économie et écologie sont intimement liés et interdépendants.
XVIIIe s : l'aérisme, le siècle des Lumières, on recherche le "bon air" ("on" = classe aristocratique, of course).
Ici s'opère une révolution olfactive (comme quoi les structures mentales commandent les sens) : on se rend compte que...comment dire...que ça pue.
Du coup : parfums, fumigations, villes fleuries, villégiatures d'été (exemple : tous les châteaux de la 1ere couronne de Paris : Boulogne, Vincennes, ...), tourisme de cure, ..., on draine, on pave (inusité depuis les romains), on ventile, on crêpit les murs à la chaux pour repousser le salpêtre, on invente le vasisdas, on fait sonner les cloches et tirer les canons pour faire vibrer l'air, on invente le lit d'hôpital et la tombe individuelle, le couloir et les pièces à fonctions différenciées...
En somme, nous avons en parallèle : l'apparition de la notion d'individu en tant qu'autre, la privatisation du déchet ("je ne supporte plus tes odeurs, tes déchets"), le refus de la promiscuité.
XIXe s : l'hygiénisme avec Pasteur, Haussmann.
On dédensifie : on ouvre les boulevards, on dégage les parvis, on rase les Halles, on ventile, on connecte, on assèche, on comble les canaux, on bitume, on imperméabilise, on enterre l'eau, on créé des "espaces verdoyants".
XXe s : l'urbanisme moderne, avec la Charte d'Athènes, Le Corbusier, la ville socialiste, l'ultra-hygiénisme.
On rase les centre-villes, on standardise, on fait abstraction du contexte topographique/historique/géologique/..., on zone la ville en fonction (habiter, travailler, circuler, se récréer), on favrise l'hypermobilité.
XXIe s : n'a pas encore de nom.
On essaie de redensifier les villes : pas facile puisque nous avons toujours une représentation mentale négative de la densité, issue de l'hygiénisme.
On rouvre des canaux (la Bièvre à Paris, Rochefort), on préserve les marais (rempart contre la perte de biodiversité, éponge des inonsations, espaces récréatifs, culturel, ...).
On essaie de ne pas imperméabiliser le sol : laisser un espace entre les dalles, laisser passer l'eau dans le sol, laisser le sol épurer l'eau.
On "verdoie" : les berges, les parcs ne sont plus des pelouses, des espaces "verts", mais ce doit être des espaces "verdoyants", anarchiques.
On préserve les vieux centres, on met en valeur l'existant naturel et culturel.
On essai d'utiliser les matériaux de construction locaux, patriculiers à chaque ville, à chaque cas.
On favorise, on essaie, la mixite fonctionnelle et sociale des espaces.
Bientôt, qui sait, si le temps nous le permet, on arrivera au niveau des grecs.
vendredi 2 novembre 2007
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7 commentaires:
Oui, mais non... On peut faire une lecture de la ville en coût énergétique par habitant... Le vingtième à cause des couts particulièrement bas de l'énergie a entrainé une sur-utilisation totalement insoutenable même à relativement court terme. Le ville nouvelle dépend tellement de ses réseaux ( informations, transport, eau énergie etc..) qu'elle est particulièrement vulnérable.
impressionnant !
merci zizule pour cette petite chronologie du déchet, c'est passionnant de voir les évolutions/régressions en fonction des mentalités mais aussi des facteurs extérieurs.
moukmouk rappelle une triste réalité d'aujourd'hui, mais je veux croire qu'on trouvera toujours des solutions...
mais en fait les 2 visions (celle expliquée par Zizule et celle de Moukmouk) sont étroitement liées : si le modèle de Le Corbusier a tellement fleuri, c'est *parce que* les coûts énergétiques étaient si bas.
maintenant, savoir où est la poule et où est l'oeuf, hein...
très intéressante cette mise en perspective, j'en veux d'autres des comme ça (on se sent intelligent quand on lit ce genre de trucs)
tu es sûre qu'au 18e, la moitié des villes en Europe ressemblaient à la Venise qu'on connait ???
ouais le truc de Venise j'ai aussi un peu de mal à ... mais c'est la prof qui le dit...
côté consommation énergétique/habitant il existe une tentative de comptabilisation des flux en kilo-calorie et non plus en unité monétaire. C'est la Belgique qui a essayé. Mais bon ça n'a pas tellement marché...
sacrés belges... ce sont vraiment eux les plus braves !
: )
Aristote, Hippocrate, Vitruve... que de beaux noms ! ça le fait de pouvoir les citer quand on travaille dans les déchets. tu as jeté un oeil dans leurs bouquins ou pas ?? moi ça me donne presque envie de les lire
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