mercredi 16 janvier 2008

Dans l'eau du temps

Les chimistes sont de grands enfants.
Sans vouloir dénigrer cette science qui nous a beaucoup apporté, voici une petite histoire pleine de ... rebondissements.

Il était une fois, un jour où les chimistes eurent la curieuse idée de fragmenter les longues molécules d’hydrocarbures de pétrole brut et de les mélanger pour voir.
Ce qu'ils ne savaient pas c'est qu'ils inventèrent alors le plastique.

L’ajout de chlore à ces molécules produisit le PVC (qui nous préserve du froid l'hiver, avec les fenêtres en double vitrage), l’ajout simultané de gaz produisit le polystyrène (qui nous permet de manger du poisson bien frais et de ne pas casser nos écrans plasma en les ramenant de la FN*AC). Puis apparut le nylon qui fit accepter le plastique dans la vie moderne, et tourner la tête des messieurs.



Aujourd’hui on retrouve du plastique dans quasiment tous nos objets.
Il existe des plastiques durs, élastiques, des qui flottent, des qui coulent, des transparents, des flashy, ...

Fin de l'histoire ? me direz-vous.
Oui, vous répondrai-je, maintenant les enfants vont se coucher, les choses sérieuses arrivent.



La controverse qui s’élève depuis quelques années contre les plastiques attaque plus précisément les emballages, les sacs, les bouteilles.
On connaît tous les efforts effectués pour maîtriser la quantité de plastique que nous jetons quotidiennement : allègement des bouteilles, suppression des sacs de caisse, taxe à l’achat, sacs biodégrdables, ...
Mais bon.

Le sac plastique soit disant « biodégradable » se révèle souvent n’être qu’un mélange de cellulose et de plastique. En réalité ce sac est « fragmentable » : une fois que la cellulose aura été dégradée, le plastique restant se présentera en petits morceaux, moins visible...mieux ingérable par de petites bêtes...



Que deviennt nos plastiques jetés de nos jours ?
Avec un peu de chance ils finissent dans les décharges modernes où ils pourront tranquillement se décomposer pour les siècles des siècles à venir.
Seulement, on le sait, la chance ...mmmmouais...voilà, quoi.
De nos jours il y a plus de plastiques fabriqués qu'enfouis ou correctement incinérés.
Donc intéressons-nous au plastique qui échappera aux mailles (lâches) du filet de la valorisation.




Imaginons un sac prit dans les branches d’un arbre. Petit à petit, sous le soleil, le vent, la pluie, ..., il se fragmente et libère des petits bouts de plastique qui, s’ils ne sont pas ingérés par une chèvre, se retrouveront d’une façon ou d’une autre dans la mer.

En suivant les courants et les vents, ce bout de plastique aura de grandes chances de se retrouver dans...La Grande Décharge de Pacifique.

Moukmouk en a récemment parlé avec image satellite à l'appui.


Cet endroit, grand comme le Texas, entre Hawaï et la Californie, est généralement évité par les marins, en raison de la présence continuelle d’un tourbillon d’air chaud, à haute pression et à rotation lente, en provenance de l’équateur et qui aspire le vent sans jamais le rendre.
En-dessous, l’eau s’ecoule dans le sens des aiguilles d’une montre, lentement, jusqu’à un creux central.


Les bateaux naviguant ici pourraient s’apparenter aux brises-glace, sauf qu'au lieu de glace, c’est plutôt des tasses, des capsules, du fil de pêche emmêlé, des bouts de polystyrène expansé, des anneaux de packs de bière, des ballons crevés, des restes d’emballage de sandwichs, et d’innombrables sacs en plastique.


D’où viennent ces plastiques ?
Tout d’abord il faur savoir qu’un plastique qui peut à la rigueur se dégrader plus ou moins sous le soleil, ne peut certainement pas le faire dans l’eau froide et salée.
Ensuite, en 1975, déjà, la National Academy of Sciences avait estimé que la totalité des navires de haute-mer deversaient chaque année plus de 3,5 millions de tonnes de plastique.
Plus récemment, on a démontré que la marine marchande mondiale jetait par dessus bord environ 640 000 conteneurs en plastique par jour.
(voir Source, plus bas)

Cette mer de plastique n’est pas seulement composée que le plastique visible. C’est en fait une couche de plastique à la surface de la mer, de plusieurs mètres d’épaisseur.
On peut voir dans les méduses des petits granulés de couleurs vives, qu’elles ont prit pour des œufs ou du krill. Ces méduses seront mangées par...qui sera mangé par...qui sera mangé par...



D’autre part, depuis 50 ans que nous produisons des plastiques, nous n’avons aucun recul sur leur décomposition, leurs incidences sur les écosystèmes en matière de diffusion d’hydrocarbures ou des multiples produits chimiques dont ils sont enduits.

Ce qu’on sait par contre sur les petits fragments de plastique facilement ingérables, c’est qu’en mer ils agissent comme des éponges à PCB et DDT.



Le DDT est un herbicides, et le PCB ramollit les plastiques, est un lubrifiant, et rend accessoirement à la longue les poissons, les ours blancs, et tous leurs amis hermaphrodites.

L’usage du PCB est interdit depuis les années 1970, le DDT est couramment utilisé. Mais leur décomposition est extrêmement longue, et on en retrouvera encore des traces pour des siècles et des siècles à venir.

Ces bouts de plastiques donc, s’imprègnent de PCB jusqu’à des niveaux un million de fois plus élevés que celui de la mer environnant.








En 2005, on estime que la superficie de la décharge du Pacifique est proche de celle de l’Afrique (10 ans avant on parlait de la superficie du Texas...). Et je ne parle là que de la superficie. L’épaisseur ? sais pas.

Et ce n’est pas la seule : la planète compte 6 autres grands tourbillons océaniques tropicaux tous engorgés de détritus.



source : "Homo Disparitus",Alan Weisman, 2007







Bon voilà : je vous avais prévenu.
En fait c'est dangereux les vacances : c'est à ces moments là qu'on a le temps de lire les bouquins les plus déprimants.

5 commentaires:

Dodinette a dit…

mais...
je me dis...
est-ce qu'il ne serait pas possible de faire "découper" tout ce bordel en ptis morceaux et le rapatrier "sur terre" pour le traiter ?
ou est-ce que ça ne règle rien au problème vu que d'une façon ou d'une autre les déchets de retraitement re-finiront là-bas...?

(y'a un traitement docteur ?)

Moukmouk a dit…

merci pour ce beau papier et pour le lien... Si j'ai le temps j'en parle demain chez moi.

pour Dodinette, On pourrait dépenser une fortune pour faire un gros tas sur la plage et attendre que le vent le repousse à la mer? Creuser un trou de quelques kilomètres cubes et étudier les conséquences de la dégradation des plastiques? les bruler pour faire des furannes très cancérigènes?

Le trou serait probablement la bonne décision, mais qui payera et où le creuserons-nous?

zizule a dit…

ben ouais voilà quoi
tout est dit

Anonyme a dit…

a qd les sac en papier comme aux USA.sinon on pourrait peut etre doner a manger ces sac plastique aux crabes
staline comme ca on resout 2 problemes

zizule a dit…

malheureusement non, cher Elu.

1° : l'analyse de cycle de vie du sac en papier nous montre qu'il demande bien plus d'énergie que le sac en plastique.
La différence se situe à la fabrication : pour fabriquer un sac en papier il faut plus d'énergie que pour fabriquer un sac en plastique, aussi paradoxal que ça puisse paraître.
L'énergie nécessaire pour détruire le sac en plastique, supérieure à celle nécessaire pour détruire le sac en papier, ne suffit pas à compenser.

Le mieux ? Un panier.



2° : faire manger du sac plastique aux crabes de Staline ne ferai que compliquer les choses :
- rendre le crabe immangeable
- polluer toutes les autres pitites bêtes
- introduire des microparticules de plastiques dans toute la mer du Nord


La solution ? Passer au dessus du lobby russe et autorisé une augmentation des cotas de pêche.
Actuellement ils sont de 300 000 crabes / an, tous pays confondus, alors que la population estimée de crabe est de ... 15 millions.