Puszcza est un vieux mot polonais qui veut dire «forêt vierge ».
A cheval entre la Pologne et la Biélorussie, le demi-million d’acres de la forêt de Bialowiesa renferme les derniers fragments de la forêt européenne à l’état primitif.
Ici les frênes et les tilleuls culminent a 45 mètres, et couvrent de leur ombre un enchevêtrement humide de charmes, de fougères, d’aulnes, de sureau de 2 mètres de diamètre, et de gros champignons.
Les chênes sont tapissés d’un demi millénaire de mousse.
Les bosquets de bouleaux et de trembles témoignent d’une époque où les seigneurs des lieux, peut-être trop occupés à la guerre, délaissèrent la chasse assez longtemps pour que ces essences recolonisent les clairières.
Sous leur ombrage poussent des jeunes plants des feuillus qui les précédèrent. Petit à petit, ceux-ci vont regagner leur suprématie sur les bouleaux et les trembles, comme s’ils n’avaient jamais disparu.
Lorsque l’on rencontre une bizarrerie, comme une aubépine ou un pommier, on en déduit qu’une maison en rondin a dû se trouver là, depuis longtemps dévorée par les mêmes microbes capables de dévorer les arbres colossaux qui l’entourent.
Tout chêne massif isolé, vieux de 900 ans, poussant au milieu d’un petit monticule recouvert de trèfles signale un crematorium.
Dans la forêt de Bialowiza, la profusion de vie doit beaucoup à tout ce qui est mort. Près d’un quart de la masse organique qui se trouve au-dessus du sol est à différents stades de décomposition, nourrissant des milliers d’espèces de champignons, de lichens, de scolytes, de vers et de microbes.
Toutes ses espèces nourrissent à leur tour des belettes, des loutres, des renards, des lynx, des loups, des chevreuils, des élans, des aigles.
Autant de créatures que l’on ne rencontre pas dans les forêts ordonnées et gérées par l’homme.
C’est le seul endroit où l’on rencontre les 9 espèces de pics d’Europe.
C’est le seul endroit où vit encore le bison bonasus, le bison d’Europe.
Il en reste aujourd’hui 600, du côté polonais. Peut-être également un nombre équivalent du côté biélorusse.
Ces 2 populations sont séparées par un rideau de fer tendu par les Soviétiques en 1980 pour empêcher les fugitifs de rejoindre la Pologne. Aujourd’hui ce mur suit la frontière de l’Union Européenne, et ne sera donc pas près d’être abattu.
Les loups creusent en dessous, les chevreuils sautent, paraît-il, par-dessus, mais le troupeau des plus grands mammifères d’Europe reste divisé, et avec lui son patrimoine génétique.
On trouve donc à Bialowieza la diversité biologique la plus grande de tout le continent, sans qu’il existe pour autant de montagnes ou de vallée à proximité pouvant servir de niches aux espèces locales.
C’est tout bonnement un vestige de la forêt qui s’étendait autrefois de l’Irlande à la Sibérie.
La présence en Europe d’un tel héritage d’antiquité biologique intacte est due aux grands privilèges : ce fut une réserve royale puis tsarine de chasse.
Après la Première Guerre Mondiale, le noyau qui perdura fut déclaré Parc national en 1921, en Pologne.
Pendant la Seconde Guerre Mondiale, Göring interdit par décret l’accès à la forêt.
Plus tard, Staline accorda 2/5e de la forêt aux polonais.
Aujourd’hui, l’imperméabilisation de la frontière avec l’Union Européenne, et donc la fuite des paysans vers les villes, de part et d’autre de la frontière, laisse le champ libre aux arbres de reconquérir les champs de patates, en à peine 20 ans. En 500 ans, si l’absence d’hommes se maintenait, une vraie forêt pourrait faire son retour.
Cependant, la Pologne et la Biélorussie justifient l’abattage d’arbres de plus en plus près de Bialowieza dans le but de « rétablir le caractère primitif des lieux ».
Lequel ira plus vite que l'autre ? Les Hommes ou Dame Nature ?
Source : Homo Disparitus, Alan Weisman, 2007
jeudi 31 janvier 2008
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11 commentaires:
plus vite ? les hommes.
Mais peut-être que la nature sera plus forte et se vengera d'une façon ou d'une autre, elle sait assez bien faire ça. à son heure. et sans prévenir
Il y a pas très loin, une autre très belle forêt qui se développe vigoureusement à l'abri des humains... la forêt de Tchernobyl.
ouais : et même que les pitizoizos de cette forêt-là, nichent dans les trous qu'à creusé la pluie dans la chape de béton du réacteur
bucolique non ?
je pense que vero a raison, à terme, la nature finira toujours par gagner.
mais où est le terme... là est la question.
Pour les Bisons Bonasus, il existe aussi en Lozère un petit troupeau issu de ta forêt, pour avoir un autre conservatoire génétique. Et d'ailleurs la lozère est le seul département français où la forêt progresse tous les ans, où des loups sont de retour (en parc mais pas seulement).
en parlant de génétique
saviez-vous que l'on a reconstitué les troupeaux de bisons d'Amérique du Nord avec des bisons...polonais ?
Faut que j'aille faire un tour en Lozère
Passionnant, comme toujours. J'ai recommandé ton blog à mes trois lecteurs.
aaaarrrrrgh j'en peux plus ! stop, c'est assez ! !
entre Melchior, Baltazar et Moukmouk mon coeur balance
c'est le début de la gloire
Bonjour zizule,
c'est intéressant ce que vous dites. Où étudiez-vous tout cela? Si ce n'est pas indiscret évidemment. Je vais me procurer ce bouquin, par ailleurs.
Oui Dame Nature triomphe toujours de l'adversité et nous pauvres mortels subissont ses foudres (innondations à cause des barrages, avalanches suite aux deforestations...)
Ceci dit à l'echelle de la planete nous (les humains) ne représentont rien. Dame Nature sera la quand ,tel les dinosaures, nous disparaitrons.
Happy End
Par principe je ne cite jamais de noms de villes ou de gens qui me sont
familiers.désolée, mais je suis encore trop timide
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